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#10 L’évangile du nouveau monde

— Composition—

◆Sujet
C’est à vous ! Décrivez un lieu que vous connaissez bien. Expliquez ce que vous y aimez et donnez vos impressions, qu’elles soient positives ou négatives.

* * *

L’Éden


Quand je suis venue au monde, ma famille possédait une vigne. Je ne me souviens de rien, mais il y a des photos où je mangeais des raisins sur la terrasse, éparpillant des grains et des peaux. J’avais deux ans. Après que mes grand-parents ont arrêté la vigne, ils plantaient des cyprès là-bas. Les arbres se développaient avec moi.

Chaque fois que mon père y allait, je le suivais toujours. À côté d’un petit temple, il y avait un sentier sinueux. On n’entendait que des voix des oiseaux et des sons feuilles flottantes. Le sentier pierreux continuait jusqu’à la vigne. À cette époque-là, les arbres étaient moins grands que maintenant, alors le sentier n’était pas tellement ombragé.

En chemin, il y avait un petit sentier. Tournant à gauche, une roche m’attendait. Le sommet de la roche était plat, et le soleil rivait ses rayons sur elle. Je la montais et descendais sans me lasser. Lorsque j’étais fatiguée de jouer, je dormais sur le sommet.

Un ruisseau coulait près d’ici. Il étais très calme et très limpide. Un jour, mon père planta des wasabis qui ne pouvaient vivre que dans l’eau tellement pure. Quand ils grandissaient assez bientôt, quelqu’un les déracina complètement et les vola. Mon père planta de nouveau l’année suivante. Cette fois-ci, il faisait la clôture en bois pour faire savoir que les wasabis ne poussaient pas naturellement, mais étaient cultivés. Pourtant, le voleur la franchit et les arracha. L’année suivante, c’était la même chose. Finalement, mon père arrêtait de planter des wasabis.

Plusieurs années après, une chaussé non pavée se construisait traversant notre vigne d’autrefois. Au plus profonde des montagnes, des camions commençaient à faire l’aller et retour, pas afin de développer, mais de couper des arbres et d’extraire la terre pour matériaux de construction.

Je n’y allais plus comme auparavant.

* * *


〜L’extrait du livre 〜

“Le soir d’un dimanche de Pâques, un nouveau-né est déposé dans le jardin de monsieur et madame Ballandra, horticulteurs passionnés qui créent les plus belles roses du monde. Pascal est très beau, le teint brun, les yeux gris vert pareils à la mer qui  entoure le pays. Mais d’où vient-il ? N’est-il pas l’enfant d’un dieu ? ”

« L’Evangile du Nouveau Monde »
Maryse Condé


C’est une terre entourée d’eau de tous les côtes, une île, comme on dit communément, pas aussi grande que l’Australie, mais pas petite non plus. Elle est généralement plate mais est bosselée d’épaisses forêts et de deux volcans, l’un qui répond au nom de Piton de la Grand Chaudière, qui fit des siennes jusqu’en 1820, quand il détruisit la coquette ville étalée sur ses flancs avant de rentrer dans une totale inactivité. Comme elle jouit d’un « été éternel », les touristes s’y pressent, braquant leurs appareils mortifères sur tout ce qui est beau. Certains l’appellent avec tendresse Mon Pays, mais ce n’est pas un pays, c’est une terre ultramarine, un département d’Outre-mer quoi!

La nuit où Il naquit, Zebulon et Zapata se battaient dans le mitan du ciel, décochant des rais de lumière à chacun de leurs gestes. C’était un spectacle peu banal. Celui qui a coutume de scruter la voûte céleste voit fréquemment la Petite Ourse, la Grande Ourse, Cassiopée, l’Étoile du Berger, Orion, mais distinguer deux constellations pareilles surgies des grandes profondeurs, c’est inouï. Cela signifiait que celui naissait cette nuit-là aurait un destin hors pair. Pour l’heure, personne ne semblait s’en douter.

Le nouveau-né avait porté ses poings minuscules à hauteur de sa bouche et s’était recroquevillé entre les sabots de l’âne qui le réchauffait. Maya, qui venait d’accoucher dans cette cabane où les Ballandra rangeaient leurs sacs d’engrais, leurs bidons de désherbant et leurs instruments aratoires, se lavait tant bien que mal dans l’eau d’une calebasse qu’elle avait eu la présence d’esprit d’apporter avec elle. Ses joues rebondies étaient inondées de larmes.


Elle ne se doutait pas qu’elle aurait si mal lorsqu’elle abandonnerait son enfant. Elle ne savait pas que la douleur lui déchirerait le ventre de ses crocs acérés. Pourtant, il n’y avait pas d’autre solution. Elle était parvenue à cacher son état à ses parents, à sa mère surtout, qui n’arrêtait pas de divaguer quant à l’avenir radieux qui tendait ses bras à sa fille. Maya ne pouvait revenir chez elle un bâtard entre les bras. Quand elle n’avait plus vu sons sang, elle était restée sidérée. Un enfant ! Cette petite chose visqueuse qui urinait et déféquait sur elle, voilà à quoi avaient abouti ses nuits si brûlantes et si poétiques.

〜Maryse Condé,  L’Évangile du Nouveau Monde, 2021, Buchet-Chastel 〜

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