ソシュール『一般言語学講義』註解 #27
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原著: pp. 265-268
小林訳: pp. 273-276
菅田訳: pp. 182-187
町田訳: pp. 271-274
各文の頭についている上付きの数字は、原著の「ページ数-行数」を示しています。
Cours 原文 § 1.
CHAPITRE II
COMPLICATIONS DE LA DIVERSITÉ GÉOGRAPHIQUE
§ 1. COEXISTENCE DE PLUSIEURS LANGUES SUR UN MÊME POINT.
²⁶⁵⁻⁵La diversité géographique a été présentée jusqu’ici sous sa forme idéale : autant de territoires, autant de langues distinctes. ²⁶⁵⁻⁷Et nous étions en droit de procéder ainsi, car la séparation géographique reste le facteur le plus général de la diversité linguistique. ²⁶⁵⁻⁹Abordons maintenant les faits secondaires qui viennent troubler cette correspondance et dont le résultat est la coexistence de plusieurs langues sur un même territoire.
²⁶⁵⁻¹³Il n’est pas ici question du mélange réel, organique, de l’interpénétration de deux idiomes aboutissant à un changement dans le système (cf. l’anglais après la conquête normande). ²⁶⁵⁻¹⁶Il ne s’agit pas non plus de plusieurs langues nettement séparées territorialement, mais comprises dans les limites d’un même État politique, comme c’est le cas en Suisse. ²⁶⁵⁻¹⁹Nous envisagerons seulement le fait que deux idiomes peuvent vivre côte à côte dans un même lieu et coexister sans se confondre. […]
²⁶⁵⁻²²Il peut arriver d’abord que la langue d’une nouvelle population vienne se superposer à celle de la population indigène. ²⁶⁵⁻²⁴Ainsi dans l’Afrique du Sud, à côté de plusieurs dialectes nègres, on constate la présence du hollandais et de l’anglais, résultat de deux colonisations successives ; c’est de la même façon que l’espagnol s’est implanté au Mexique. Il ne faudrait pas croire que les empiétements linguistiques de ce genre soient spéciaux à l’époque moderne. ²⁶⁶⁻⁴De tout temps on a vu des nations se mélanger sans confondre leurs idiomes. ²⁶⁶⁻⁶Il suffit, pour s’en rendre compte, de jeter les yeux sur la carte de l’Europe actuelle : en Irlande on parle le celtique et l’anglais ; beaucoup d’Irlandais possèdent les deux langues. ²⁶⁶⁻⁹En Bretagne on pratique le breton et le français ; dans la région basque on se sert du français ou de l’espagnol en même temps que du basque. […] ²⁶⁶⁻²³Dans certains pays la confusion des langues est plus grande encore ; en Macédoine on rencontre toutes les langues imaginables : le turc, le bulgare, le serbe, le grec, l’albanais, le roumain, etc., mêlés de façons diverses suivant les régions. […]
²⁶⁷⁻¹³Le plus souvent cette superposition de langues a été amenée par l’envahissement d’un peuple supérieur en force ; mais il y a aussi la colonisation, la pénétration pacifique ; puis le cas des tribus nomades qui transportent leur parler avec elles. ²⁶⁷⁻¹⁷C’est ce qu’ont fait les tziganes, fixés surtout en Hongrie, où ils forment des villages compacts ; l’étude de leur langue a montré qu’ils ont dû venir de l’Inde à une époque inconnue. ²⁶⁷⁻²⁰Dans la Dobroudja, aux bouches du Danube, on trouve des villages tatares éparpillés, marquant de petites taches sur la carte linguistique de cette région.
註解 § 1.
²⁶⁵⁻⁵La diversité géographique a été présentée jusqu’ici sous sa forme idéale : autant de territoires, autant de langues distinctes.
²⁶⁵⁻⁷Et nous étions en droit de procéder ainsi, car la séparation géographique reste le facteur le plus général de la diversité linguistique.
²⁶⁵⁻⁹Abordons maintenant les faits secondaires qui viennent troubler cette correspondance et dont le résultat est la coexistence de plusieurs langues sur un même territoire.
²⁶⁵⁻¹³Il n’est pas ici question du mélange réel, organique, de l’interpénétration de deux idiomes aboutissant à un changement dans le système (cf. l’anglais après la conquête normande).
²⁶⁵⁻¹⁶Il ne s’agit pas non plus de plusieurs langues nettement séparées territorialement, mais comprises dans les limites d’un même État politique, comme c’est le cas en Suisse.
²⁶⁵⁻¹⁹Nous envisagerons seulement le fait que deux idiomes peuvent vivre côte à côte dans un même lieu et coexister sans se confondre.
²⁶⁵⁻²²Il peut arriver d’abord que la langue d’une nouvelle population vienne se superposer à celle de la population indigène.
²⁶⁵⁻²⁴Ainsi dans l’Afrique du Sud, à côté de plusieurs dialectes nègres, on constate la présence du hollandais et de l’anglais, résultat de deux colonisations successives ; c’est de la même façon que l’espagnol s’est implanté au Mexique.
²⁶⁶⁻³Il ne faudrait pas croire que les empiétements linguistiques de ce genre soient spéciaux à l’époque moderne.
²⁶⁶⁻⁴De tout temps on a vu des nations se mélanger sans confondre leurs idiomes.
²⁶⁶⁻⁶Il suffit, pour s’en rendre compte, de jeter les yeux sur la carte de l’Europe actuelle : en Irlande on parle le celtique et l’anglais ; beaucoup d’Irlandais possèdent les deux langues.
²⁶⁶⁻⁹En Bretagne on pratique le breton et le français ; dans la région basque on se sert du français ou de l’espagnol en même temps que du basque.
²⁶⁶⁻²³Dans certains pays la confusion des langues est plus grande encore ; en Macédoine on rencontre toutes les langues imaginables : le turc, le bulgare, le serbe, le grec, l’albanais, le roumain, etc., mêlés de façons diverses suivant les régions.
²⁶⁷⁻¹³Le plus souvent cette superposition de langues a été amenée par l’envahissement d’un peuple supérieur en force ; mais il y a aussi la colonisation, la pénétration pacifique ; puis le cas des tribus nomades qui transportent leur parler avec elles.
²⁶⁷⁻¹⁷C’est ce qu’ont fait les tziganes, fixés surtout en Hongrie, où ils forment des villages compacts ; l’étude de leur langue a montré qu’ils ont dû venir de l’Inde à une époque inconnue.
²⁶⁷⁻²⁰Dans la Dobroudja, aux bouches du Danube, on trouve des villages tatares éparpillés, marquant de petites taches sur la carte linguistique de cette région.
Cours 原文 § 2.
§ 2. LANGUE LITTÉRAIRE ET IDIOME LOCAL.
[…] ²⁶⁷⁻²⁹Par « langue littéraire » nous entendons non seulement la langue de la littérature, mais, dans un sens plus général, toute espèce de langue cultivée, officielle ou non, au service de la communauté tout entière. ²⁶⁷⁻³²Livrée à elle-même, la langue ne connaît que des dialectes dont aucun n’empiète sur les autres, et par là elle est vouée à un fractionnement indéfini. ²⁶⁸⁻²Mais comme la civilisation, en se développant, multiplie les communications, on choisit, par une sorte de convention tacite, l’un des dialectes existants pour en faire le véhicule de tout ce qui intéresse la nation dans son ensemble. ²⁶⁸⁻⁶Les motifs de ce choix sont divers : tantôt on donne la préférence au dialecte de la région où la civilisation est le plus avancée, tantôt à celui de la province qui a l’hégémonie politique et où siège le pouvoir central ; tantôt c’est une cour qui impose son parler à la nation. ²⁶⁸⁻¹⁰Une fois promu au rang de langue officielle et commune, le dialecte privilégié reste rarement tel qu’il était auparavant. ²⁶⁸⁻¹³II s’y mêle des éléments dialectaux d’autres régions ; il devient de plus en plus composite, sans cependant perdre tout à fait son caractère originel : ainsi dans le français littéraire on reconnaît bien le dialecte de l’Ile-de-France, et le toscan dans l’italien commun. ²⁶⁸⁻¹⁷Quoi qu’il en soit, la langue littéraire ne s’impose pas du jour au lendemain, et une grande partie de la population se trouve être bilingue, parlant à la fois la langue de tous et le patois local. ²⁶⁸⁻²⁰C’est ce qu’on voit dans bien des régions de la France, comme la Savoie, où le français est une langue importée et n’a pas encore étouffé les patois du terroir. ²⁶⁸⁻²³Le fait est général en Allemagne et en Italie, où partout le dialecte persiste à côté de la langue officielle.
[…]
註解 § 2.
²⁶⁷⁻²⁹Par « langue littéraire » nous entendons non seulement la langue de la littérature, mais, dans un sens plus général, toute espèce de langue cultivée, officielle ou non, au service de la communauté tout entière.
²⁶⁷⁻³²Livrée à elle-même, la langue ne connaît que des dialectes dont aucun n’empiète sur les autres, et par là elle est vouée à un fractionnement indéfini.
²⁶⁸⁻²Mais comme la civilisation, en se développant, multiplie les communications, on choisit, par une sorte de convention tacite, l’un des dialectes existants pour en faire le véhicule de tout ce qui intéresse la nation dans son ensemble.
²⁶⁸⁻⁶Les motifs de ce choix sont divers : tantôt on donne la préférence au dialecte de la région où la civilisation est le plus avancée, tantôt à celui de la province qui a l’hégémonie politique et où siège le pouvoir central ; tantôt c’est une cour qui impose son parler à la nation.
²⁶⁸⁻¹⁰Une fois promu au rang de langue officielle et commune, le dialecte privilégié reste rarement tel qu’il était auparavant.
²⁶⁸⁻¹³II s’y mêle des éléments dialectaux d’autres régions ; il devient de plus en plus composite, sans cependant perdre tout à fait son caractère originel : ainsi dans le français littéraire on reconnaît bien le dialecte de l’Ile-de-France, et le toscan dans l’italien commun.
²⁶⁸⁻¹⁷Quoi qu’il en soit, la langue littéraire ne s’impose pas du jour au lendemain, et une grande partie de la population se trouve être bilingue, parlant à la fois la langue de tous et le patois local.
²⁶⁸⁻²⁰C’est ce qu’on voit dans bien des régions de la France, comme la Savoie, où le français est une langue importée et n’a pas encore étouffé les patois du terroir.
²⁶⁸⁻²³Le fait est général en Allemagne et en Italie, où partout le dialecte persiste à côté de la langue officielle.
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