ソシュール『一般言語学講義』註解 #01
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原著: pp. 13-19
小林訳: pp. 7-15
菅田訳: pp. 2-7
町田訳: pp. 7-15
各文の頭についている上付きの数字は、原著の「ページ数-行数」を示しています。
Cours 原文
INTRODUCTION
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CHAPITRE PREMIER
COUP D’ŒIL SUR L’HISTOIRE DE LA LINGUISTIQUE
¹³⁻⁵La science qui s’est constituée autour des faits de langue a passé par trois phases successives avant de reconnaître quel est son véritable et unique objet.
¹³⁻⁸On a commencé par faire ce qu’on appelait de la « grammaire ». ¹³⁻⁹Cette étude, inaugurée par les Grecs, continuée principalement par les Français, est fondée sur la logique et dépourvue de toute vue scientifique et désintéressée sur la langue elle-même ; elle vise uniquement à donner des règles pour distinguer les formes correctes des formes incorrectes ; […]
¹³⁻¹⁷Ensuite parut la philologie. […] ¹³⁻²⁰La langue n’est pas l’unique objet de la philologie, qui veut avant tout fixer, interpréter, commenter les textes ; […] ¹⁴⁻⁴Sans doute ces recherches ont préparé la linguistique historique : […]
¹⁴⁻¹²La troisième période commença lorsqu’on découvrit qu’on pouvait comparer les langues entre elles. ¹⁴⁻¹³Ce fut l’origine de la philologie comparative ou « grammaire comparée ». ¹⁴⁻¹⁵En 1816, dans un ouvrage intitulé $${\textit{Système}}$$$${\textit{de}}$$$${\textit{la}}$$$${\textit{conjugaison}}$$$${\textit{du}}$$$${\textit{sanscrit,}}$$ Franz Bopp étudie les rapports qui unissent le sanscrit avec le germanique, le grec, le latin, etc. ¹⁴⁻¹⁸Bopp n’était pas le premier à constater ces affinités et à admettre que toutes ces langues appartiennent à une même famille ; cela avait été fait avant lui, notamment par l’orientaliste anglais W. Jones (†1794) ; […] ¹⁴⁻²⁴Bopp n’a donc pas le mérite d’avoir découvert que le sanscrit est parent de certains idiomes d’Europe et d’Asie, mais il a compris que les relations entre langues parentes pouvaient devenir la matière d’une science autonome. ¹⁴⁻²⁸Eclairer une langue par une autre, expliquer les formes de l’une par les formes de l’autre, voilà ce qui n’avait pas encore été fait.
[…]
¹⁵⁻³⁰Dès le commencement on voit surgir à côté de Bopp des linguistes de marque : Jacob Grimm, le fondateur des études germaniques (sa $${\textit{Grammaire}}$$$${\textit{allemande}}$$ a été publiée de 1822 à 1836) ; […]
¹⁶⁻³Enfin, parmi les derniers représentants de cette école, […] ¹⁶⁻¹⁴Aug. Schleicher est le premier qui ait essayé de codifier les résultats des recherches de détail. ¹⁶⁻¹⁶Son $${\textit{Abrégé}}$$ $${\textit{de}}$$$${\textit{grammaire}}$$$${\textit{comparée}}$$ $${\textit{des}}$$$${\textit{langues}}$$ $${\textit{indo-germaniques}}$$(1861) est une sorte de systématisation de la science fondée par Bopp. […]
¹⁶⁻²³Mais cette école, qui a eu le mérite incontestable d’ouvrir un champ nouveau et fécond, n’est pas parvenue à constituer la véritable science linguistique. ¹⁶⁻²⁵Elle ne s’est jamais préoccupée de dégager la nature de son objet d’étude. ¹⁶⁻²⁶Or, sans cette opération élémentaire, une science est incapable de se faire une méthode.
[…]
¹⁸⁻³Ce n’est que vers 1870 qu’on en vint à se demander quelles sont les conditions de la vie des langues. ¹⁸⁻⁴On s’aperçut alors que les correspondances qui les unissent ne sont qu’un des aspects du phénomène linguistique, que la comparaison n’est qu’un moyen, une méthode pour reconstituer les faits.
¹⁸⁻⁹La linguistique proprement dite, qui fit à la comparaison la place qui lui revient exactement, naquit de l’étude des langues romanes et des langues germaniques. ¹⁸⁻¹¹Les études des romanes, inaugurées par Diez, — sa $${\textit{Grammaire}}$$$${\textit{des}}$$$${\textit{langues}}$$$${\textit{romanes}}$$ date de 1836-1838, — contribuèrent particulièrement à rapprocher la linguistique de son véritable objet. ¹⁸⁻¹⁵C’est que les romanistes se trouvaient dans des conditions privilégiées, inconnues des indo-européanistes ; on connaissait le latin, prototype des langues romanes ; puis l’abondance des documents permettait de suivre dans le détail l’évolution des idiomes. ¹⁸⁻¹⁹Ces deux circonstances limitaient le champ des conjectures et donnaient à toute cette recherche une physionomie particulièrement concrète. ¹⁸⁻²¹Les germanistes étaient dans une situation analogue ; sans doute le protogermanique n’est pas connu directement, mais l’histoire des langues qui en dérivent peut se poursuivre, à l’aide de nombreux documents, à travers une longue série de siècles. ¹⁸⁻²⁶Aussi les germanistes, plus près de la réalité, ont-ils abouti à des conceptions différentes de celles des premiers indo-européanistes.
¹⁸⁻²⁹Une première impulsion fut donnée par l’Américain Whitney, l’auteur de la $${\textit{Vie}}$$$${\textit{du}}$$$${\textit{langage}}$$(1875). ¹⁸⁻³⁰Bientôt après se forma une école nouvelle, celle des néogrammairiens (Junggrammatiker), dont les chefs étaient tous des Allemands : K. Brugmann, […] H. Paul, le slaviste Leskien, etc. […] ¹⁹⁻²Grâce à eux, on ne vit plus dans la langue un organisme qui se développe par lui-même, mais un produit de l’esprit collectif des groupes linguistiques. […] ¹⁹⁻⁷Cependant, si grands que soient les services rendus par cette école, on ne peut pas dire qu’elle ait fait la lumière sur l’ensemble de la question, et aujourd’hui encore les problèmes fondamentaux de la linguistique générale attendent une solution.
註解
¹³⁻⁵ La science qui s’est constituée autour des faits de langue a passé par trois phases successives avant de reconnaître quel est son véritable et unique objet.
¹³⁻⁸ On a commencé par faire ce qu’on appelait de la « grammaire ».
¹³⁻⁹ Cette étude, inaugurée par les Grecs, continuée principalement par les Français, est fondée sur la logique et dépourvue de toute vue scientifique et désintéressée sur la langue elle-même ; elle vise uniquement à donner des règles pour distinguer les formes correctes des formes incorrectes ; […]
¹³⁻¹⁷ Ensuite parut la philologie.
¹³⁻²⁰ La langue n’est pas l’unique objet de la philologie, qui veut avant tout fixer, interpréter, commenter les textes ;
¹⁴⁻⁴ Sans doute ces recherches ont préparé la linguistique historique :
¹⁴⁻¹² La troisième période commença lorsqu’on découvrit qu’on pouvait comparer les langues entre elles.
¹⁴⁻¹³ Ce fut l’origine de la philologie comparative ou « grammaire comparée ».
¹⁴⁻¹⁵En 1816, dans un ouvrage intitulé $${\textit{Système}}$$$${\textit{de}}$$$${\textit{la}}$$$${\textit{conjugaison}}$$$${\textit{du}}$$$${\textit{sanscrit,}}$$ Franz Bopp étudie les rapports qui unissent le sanscrit avec le germanique, le grec, le latin, etc. sanscrit
¹⁴⁻¹⁸ Bopp n’était pas le premier à constater ces affinités et à admettre que toutes ces langues appartiennent à une même famille ;
¹⁴⁻²⁰ cela avait été fait avant lui, notamment par l’orientaliste anglais W. Jones (†1794) ;
¹⁴⁻²⁴ Bopp n’a donc pas le mérite d’avoir découvert que le sanscrit est parent de certains idiomes d’Europe et d’Asie, mais il a compris que les relations entre langues parentes pouvaient devenir la matière d’une science autonome.
¹⁴⁻²⁸Eclairer une langue par une autre, expliquer les formes de l’une par les formes de l’autre, voilà ce qui n’avait pas encore été fait.
¹⁵⁻³⁰ Dès le commencement on voit surgir à côté de Bopp des linguistes de marque : Jacob Grimm, le fondateur des études germaniques (sa $${\textit{Grammaire}}$$$${\textit{allemande}}$$ a été publiée de 1822 à 1836) ; […]
¹⁶⁻³Enfin, parmi les derniers représentants de cette école, […] ¹⁶⁻¹⁴ (Aug.) Schleicher est le premier qui ait essayé de codifier les résultats des recherches de détail.
¹⁶⁻¹⁶ Son $${\textit{Abrégé}}$$ $${\textit{de}}$$$${\textit{grammaire}}$$$${\textit{comparée}}$$$${\textit{des langues}}$$$${\textit{indo-germaniques}}$$(1861) est une sorte de systématisation de la science fondée par Bopp.
¹⁶⁻²³Mais cette école, qui a eu le mérite incontestable d’ouvrir un champ nouveau et fécond, n’est pas parvenue à constituer la véritable science linguistique.
¹⁶⁻²⁵Elle ne s’est jamais préoccupée de dégager la nature de son objet d’étude.
¹⁶⁻²⁶Or, sans cette opération élémentaire, une science est incapable de se faire une méthode.
¹⁸⁻³ Ce n’est que vers 1870 qu’on en vint à se demander quelles sont les conditions de la vie des langues.
¹⁸⁻⁴ On s’aperçut alors que les correspondances qui les unissent ne sont qu’un des aspects du phénomène linguistique, que la comparaison n’est qu’un moyen, une méthode pour reconstituer les faits.
¹⁸⁻⁹ La linguistique proprement dite, qui fit à la comparaison la place qui lui revient exactement, naquit de l’étude des langues romanes et des langues germaniques.
¹⁸⁻¹¹ Les études des romanes, inaugurées par Diez, — sa $${\textit{Grammaire}}$$$${\textit{des}}$$$${\textit{langues}}$$$${\textit{romanes}}$$ date de 1836-1838, — contribuèrent particulièrement à rapprocher la linguistique de son véritable objet.
¹⁸⁻¹⁵ C’est que les romanistes se trouvaient dans des conditions privilégiées, inconnues des indo-européanistes ; on connaissait le latin, prototype des langues romanes ; puis l’abondance des documents permettait de suivre dans le détail l’évolution des idiomes.
¹⁸⁻¹⁹Ces deux circonstances limitaient le champ des conjectures et donnaient à toute cette recherche une physionomie particulièrement concrète.
¹⁸⁻²¹Les germanistes étaient dans une situation analogue ; sans doute le protogermanique n’est pas connu directement, mais l’histoire des langues qui en dérivent peut se poursuivre, à l’aide de nombreux documents, à travers une longue série de siècles.
¹⁸⁻²⁶ Aussi les germanistes, plus près de la réalité, ont-ils abouti à des conceptions différentes de celles des premiers indo-européanistes.
¹⁸⁻²⁹ Une première impulsion fut donnée par l’Américain Whitney, l’auteur de la $${\textit{Vie}}$$$${\textit{du}}$$$${\textit{langage}}$$(1875).
¹⁸⁻³⁰ Bientôt après se forma une école nouvelle, celle des néogrammairiens (Junggrammatiker), dont les chefs étaient tous des Allemands : K. Brugmann, […] H. Paul, le slaviste Leskien, etc.
¹⁹⁻² Grâce à eux, on ne vit plus dans la langue un organisme qui se développe par lui-même, mais un produit de l’esprit collectif des groupes linguistiques.
¹⁹⁻⁷ Cependant, si grands que soient les services rendus par cette école, on ne peut pas dire qu’elle ait fait la lumière sur l’ensemble de la question, et aujourd’hui encore les problèmes fondamentaux de la linguistique générale attendent une solution.
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