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Le 23 juin , la commémoration de la bataille d'Okinawa en 1945 / «Vivre», poème composé et récité par Rinko Sagara à la cérémonie de 2018, traduction.

(Texte posté sur Facebook le 23 juin 2019)

Le 23 juin, la commémoration de la bataille d'Okinawa en 1945

Le 23 mars 1945, les Alliés s'entreprennent à un grand assaut pour prendre l'archipel d'Okinawa. Après de multiples opérations aériennes et la prise d'île de Kerama, le débarquement de l'île principal d'Okinawa commence le 1er avril. La bataille s'est déroulée sur le sol d'Okinawa pendant 82 jours jusqu'au 22 juin où le commandant général de l'armée japonaise s'est suicidé.

Elle fut l'une des plus féroces batailles de la deuxième guerre mondiale — bien comparable au débarquement de Normandie dans cette petite île — avec de lourdes pertes humaines. Lourdes non seulement par leur nombre, mais aussi par leur nature. Les chiffres concernant les victimes avancés par la préfecture d'Okinawa en 1995 sont : 200,656 morts au total, dont 65,908 soldats japonais (originaires hors d'Okinawa), 12,520 soldats américains et 122,228 Okinawaïens (dont 94,000 civils et 28,228 militaires).

Vous vous interrogez peu-être ... pourquoi faire une distinction entre les Japonais hors d'Okinawa et les Okinawaïens? Il faut rappeler qu'Okinawa formait un royaume souverain nommé Ryûkyû avant son annexion forcée par le Japon en 1879 (l'Archive nationale de France conserve même la Convention entre l'Empire français et le Royaume des Ryûkyû conclue en 1855). Avec une grande différence culturelle et linguistique, du fait de s'être fait traiter de citoyens de second rang après l'annexion et encore dû au fait qu'en conséquence justement de cette guerre Okinawa passait sous l'occupation militaire américaine pour être coupé du Japon jusqu'en 1977 (eh oui il fallait un passeport de Ryûkyû pour aller au Japon à l'époque), les Okinawaïens conservaient et conservent toujours une forte conscience d’identité culturelle vis-à-vis du reste du Japon (qu'on appelle là-bas souvent «le Japon d'intérieur » ou « le Métropolitain »). 

S'agissant du nombre de victimes on s'étonnera du nombre important des pertes civiles chez les Okinawaïens par rapport aux militaires (94,000 vs. 28,228) et encore par rapport aux celles des soldats japonais (65,098). La raison en est, à part le simple fait qu’il s’agissait d’une bataille au sol à la différence de ce qui a eu lieu au reste du Japon, l'armée japonaise a adopté une stratégie consistant à se servir des habitants locaux comme boucliers ou leurres pour leur survie. Pire encore on estime que l'armée japonaise prêtait la main à la mort de quelque deux milles Okinawaïens civils, soit les chasser de l'abri, forcer le suicide collectif pour les empêcher de capituler vivants, confisquer la nourriture en pleine pénurie, ou les exécuter par le soupçon d'espionnage (le simple fait de parler le dialecte qu'ils ne comprennent pas en était un motif suffisant). 

D'ailleurs cette guerre n'est pas voulue par les Okinawaïens, mais les Japonais. D’où la volonté (inconsciente) de faire une distinction dans les statistiques. Il faut encore ajouter que les civils mobilisés malgré eux ou les non-combattants sont classifiés "militaires" dans cette statistique. Mon père alors âgé de 14 ans a été aussi mobilisé comme un petit soldat.

Pour se souvenir des morts en les recensant le plus précisément, la préfecture d'Okinawa a construit en 1995 le monument « La pierre angulaire de la paix » sur la colline de Mabuni, théâtre de la violante bataille dans ses derniers jours. Le monument consiste à 116 stèles sur lesquels sont inscrits les noms de toutes les victimes: de toutes les victimes de la bataille d'Okinawa, de toutes les nationalités, civils, militaires confondus, ainsi que de toutes les victimes okinawaïennes de la guerre de 1931-1945. Au fur et à mesure que la recherche avance, des noms s'ajoutent toujours. Les chiffres de cette année sont :

- 149,502 d'Okinawa,
- 77,436 d'autres préfectures du Japon,
- 14 009 des États-Unis,
- 380 de la République de Corée,
- 82 de la Corée du Nord
- 82 du Royaume-Uni
- 34 de Taïwan

Il faut noter que le nombre de la population en 1944 est de 490,000. Le calcul vite fait : un sur quatre habitants a péri dans cette guerre.

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Le 23 juin est le jour de commémoration en Okinawa. La cérémonie officielle se déroule en ce moment à la colline de Mabuni. À cette cérémonie un collégien ou une collégienne est choisi(e) pour réciter son propre poème de requiem et de prière pour la paix. Voici ma traduction de celui de l'année 2019 composé et récité par une collégienne de 14 ans. Notre espoir est là. J'espère que vous pouvez le mieux apprécier travers le contexte que je vient de présenter.

On découvrira tout à l'heure un nouveau poème.

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Rinko SAGARA - Vivre


https://ryukyushimpo.jp/news/entry-746576.html
https://www.youtube.com/watch?v=iRkp7c96a70

Rinko SAGARA - Vivre
(traduit par O. TOMORI)

Je vis,
Les pieds fermes sur la terre couvrant la lave chaude,
Le corps enveloppé par le vent tiède,
La narine chatouillée par le parfum des herbes,
L'oreille tendue loin vers la gronde de la mer.

Ici, je vis.

Je vis sur cette île.
Qu'elle est belle cette île !
La splendide mer d'azur,
Les vagues qui se brisent étincelant sur la roche,
Les chèvres qui bêlent,
Les ruisseaux qui murmurent,
Les chemins qui mènent au champ de cannes à sucre,
Les collines couvertes par les bourgeons verts,
Les pincements du sanshin vibrant en douceur,
Le soleil brûlant qui fait resplendir la terre.

Qu'elle est belle cette île !
Ici, je suis née et élevée.

Mobilisant tous mes organes et tous mes sens
Je sens mon île; dans mon cœur se répand une douce chaleur.

Cet instant, je le vis.

La merveille de cet instant
La tendresse de cet instant
Elles rappellent la sérénité du maintenant,
Qui s'étend dans mon corps.

Ce sentiment que je ne puis contenir,
Par quels mots je peux le décrire ?
Toi ce maintenant précieux, 
Toi ce maintenant si cher,

Ce maintenant que je vis ici.

Il y a soixante-treize ans,
Le jour où mon île se transforma en l'île des morts,
Les chants d'oiseaux devenaient des cris de peur,
La mélopée de sanshin était assourdie par les tonnerres de bombes,
L'étendue du ciel bleu était cachée sous la pluie d'acier,
Le parfum des herbes était empesté par l'odeur des cadavres.
La mer scintillante était tapissée de navires de guerre,
Le jet de feu projeté du lance-flamme, les cris des enfants,
Les maisons brûlées, l'odeur de poudre,
La terre ébranlée par le bombardement, la mer maculée de sang,
Ces figures monstrueuses qui étaient des êtres humains pourtant.
La mémoire d'une guerre, d'une hécatombe.

Ils avaient mené tous leur vie
Tout comme moi.
lls vivaient corps et âmes pour mieux vivre.
Chacun chérissait dans son cœur
Sa vie et son avenir sans ombre de doute.
Famille, amis, bien-aimé,
Travail, passion ... tout était là.
Partageant les petits bonheurs du jour, main dans la main, ils vivaient.
Comme moi ... ils étaient des êtres humains.
Pourtant...
Ils les voyaient détruits, ils s'en sont privés...
De leur vie innocente et des jours où ils vivaient comme les autres.
Il vivait là à une autre époque.
C'était cela leur seule faute.

De la colline de Mabuni, sous mes yeux s'étend la mer paisible,
Toutes ces tristes et inoubliables histoires de cette île.
D'une main ferme, je jure.
En pensant à ces vies arrachées,
Du fond de mon coeur, je jure;

Tant que je vis,
Que ne se reproduira jamais la guerre, qui a déjà sacrifié autant de vies;
Que cette passée n'usurpera jamais notre avenir;
Que nous, tous les hommes et les femmes, efforcerons de bâtir le monde où règne la paix, transcendant les frontières, transcendant les barrières raciales, transcendant les barrières religieuses, transcendant des intérêts particuliers;
Que la vie sera pleinement respectée;
Que nous fonderons le monde où toute personne est inviolable;
Que nous n'épargnerons aucun effort pour construire la paix ... je jure.

Vous sentez sûrement
La beauté de cette île.
Vous connaissez sûrement
La tristesse qu'éprouve cette île
Et vous vivez aussi
Cet instant avec moi.

Nous vivons ensemble cet instant.

Nous devrions donc comprendre :
L'absurdité de la guerre et le sens de la vraie paix,
Non pas dans la tête mais dans le coeur;
Qu'on obtiendra jamais de véritable paix,
Par la possession vaine des forces militaires;
Que la paix consiste à ce qu'on vit chacun une vie ordinaire,
À ce qu'on vit en faisant briller pleinement sa vie.

Je vis cet instant,
Avec tout le monde, ensemble.
Et je continuerai à vivre
En chérissant chaque jour qui vient
En pensant à la paix, en priant pour la paix.
Car l'avenir se trouve
Dans le prolongement de ces instants.
L'avenir, c'est le présent.

Mon île que j'aime
L' île debout et fière, la nôtre,
Et toutes les vies qui vivent sur cette île,
Mes amis, ma famille qui partagent cet instant avec moi.

Continuerons à vivre ensemble.
Promouvons la vraie paix
Depuis ce beau pays entouré d'azur.
Relevons-nous, chacun et chacune;
Marchons ensemble vers l'avenir.

Dans le vent de la colline de Mabuni
Ma vie vibre;
La résonance entre le passé, le présent et l'avenir.
Que ce requiem atteigne le triste passé.
Que la vie résonne vers l'avenir vivant.
Moi, ce maintenant, je vais le vivre.

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