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#6 La bataille d’Okinawa (1/2) Le typhon d’acier

Connaissez-vous Okinawa ? Cette région au sud du Japon est surtout réputée pour ses plages paradisiaques et le fameux « régime d’Okinawa », supposé faire des miracles pour allonger l’espérance de vie. J’ai envie de vous emmener au-delà de ces clichés. Je m’appelle Clément Dupuis et dans ce podcast, je vais vous faire découvrir l’histoire et la culture de ce territoire à la croisée des influences japonaises, chinoises et américaines. Bienvenue dans « Fascinant Okinawa ».

Épisode 6 : La bataille d’Okinawa, partie 1. Le typhon d’acier

La bataille d’Okinawa est probablement l’un des événements de l’histoire contemporaine qui a le plus marqué Okinawa, pour ne pas dire traumatisé. Comme c’est un sujet très dense, j’ai fait le choix de vous la raconter en deux parties. Dans l’épisode d’aujourd’hui, je vais vous raconter la bataille proprement dite, entre avril et juin 1945. Le mois prochain, je vous expliquerai comment elle est perçue et enseignée aujourd’hui.

Une dernière précision avant d’entrer dans le vif du sujet : c’est un épisode difficile à écouter. Personnellement, j’ai eu du mal à l’écrire. En faisant mes recherches, je suis tombé plusieurs fois sur des scènes horribles qui me donnaient juste envie de pleurer. J’ai essayé de retranscrire simplement et fidèlement ce qui s’est passé, sans tomber dans le voyeurisme. On est suffisamment confrontés à la violence, que ce soit dans les actualités ou dans les films et les séries. Si vous ne vous sentez pas très bien mentalement en ce moment, je vous conseille de reporter votre écoute. Prenez bien soin de vous. Sur ce, commençons l’épisode.

Nous sommes au début de l’année 1945. La guerre du Pacifique fait rage. L’armée japonaise contrôlait un vaste territoire allant de la Mandchourie aux Indes néerlandaises en 1942. Depuis, elle enchaîne les défaites face au rouleau-compresseur américain, comme à Midway, Guadalcanal, ou encore dans le golfe de Leyte. Les Américains entament leur approche en direction du territoire japonais. Une bataille particulièrement sanglante a lieu sur la petite île d’Iwo Jima, à 1 200 kilomètres de Tokyo, entre le 19 février et le 16 mars 1945. Plus de 20 000 soldats japonais sont tués, soit la quasi-totalité de la garnison. Près de 7 000 Américains perdent également la vie.

La prochaine étape, c’est Okinawa. Pour la première fois, l’armée américaine va débarquer sur un territoire japonais. L’objectif est d’en faire une base arrière pour bombarder, puis débarquer sur les îles de Kyūshū et enfin de Honshū, où se trouvent les principales villes japonaises. En effet, jusqu’ici, seuls les bombardiers B-29 ont le carburant suffisant pour le voyage de plus de 5 000 kilomètres aller-retour entre les îles Mariannes et leurs cibles. En capturant Okinawa, les Américains se rapprochent considérablement, ce qui facilite les bombardements : l’île de Kyūshū est à moins de 600 kilomètres, Tokyo à seulement 1 500 kilomètres.

Les Japonais sont conscients que l’étau américain est en train de se refermer sur eux. En particulier, la 32e armée, stationnée à Okinawa et dirigée par le général Mitsuru Ushijima, anticipe qu’un assaut américain sur l’île est imminent. Ils ne sont que 75 000, assistés de 25 000 auxiliaires okinawaïens et coréens. Face à une force américaine de 500 000 hommes, une victoire paraît illusoire. L’objectif, c’est plutôt de leur infliger un maximum de pertes et de les ralentir autant que possible. En résumé, les soldats japonais se préparent à combattre jusqu’au dernier homme.

Les deux armées qui s’apprêtent à s’entretuer ne sont pas les seuls acteurs en présence. Okinawa compte 450 000 habitants, dont une majorité au sud de l’île. De tous les territoires insulaires envahis par les Alliés pendant la Guerre du Pacifique, c’est de loin le plus peuplé. Dès 1944, la population est lourdement impactée par les bombardements. Celui du 10 octobre a rasé 90% de Naha, le chef-lieu de la préfecture. Mais nous allons le voir, le bilan humain pour les civils va encore s’alourdir pendant les trois mois que durera la bataille, surnommée a posteriori le « typhon d’acier ».

La date du débarquement est fixée au 1er avril. Les troupes américaines, menées par le général Simon Buckner, sont majoritairement composées de la 10e armée et du III [three] Amphibious Corps. Ce groupe de projection rapide est responsable de ce qu’on appelle les opérations amphibies, autrement dit les invasions terrestres qui commencent par un débarquement depuis la mer.

Les troupes arrivent sur la baie de Hagushi, à l’Ouest, à peu près au milieu de l’île. Les Américains s’attendent à essuyer un feu nourri à peine arrivés sur la plage. Ils prévoient même que certaines unités subissent plus de 80% de pertes. Mais à part un ou deux avions vite abattus, ils ne rencontrent aucune résistance japonaise. À la fin de la première journée, 60 000 Américains se sont enfoncés à l’intérieur des terres. Moins de 30 soldats sont morts. Le correspondant de guerre sur place, Ernie Pyle, ne cache pas son étonnement : « Je n’avais jamais vu un débarquement comme celui d’Okinawa. Il n’y avait pas un mort, pas un blessé dans notre secteur. Les médecins militaires étaient assis là, au milieu de leurs sacs de bandages et leurs civières, sans rien à faire. » Bref, les Américains n’arrivent pas à croire en leur chance et se prennent à espérer une victoire rapide et sans douleur. La suite leur donnera tort.

Les Américains divisent leurs forces en deux. Une partie se dirige vers le nord, beaucoup moins peuplé, pour pacifier la zone et assurer leurs arrières. Pendant ce temps, le gros des troupes se dirige vers le sud, où la 32e armée japonaise a établi sa ligne de défense. En particulier, le château de Shuri abrite le QG du général Ushijima. Je vous invite à réécouter l’épisode 3 si vous voulez en savoir plus sur l’histoire de ce château emblématique d’Okinawa.

Les forces américaines se rendent rapidement compte qu’Okinawa ne tombera pas en une semaine. L’île est parsemée de collines et de grottes calcaires qui ont été transformées en forteresses par les Japonais. Les tanks et les bombardements aériens, qui sont habituellement efficaces, ne servent à rien. Les Américains sont contraints de se battre au corps à corps. Ils utilisent aussi massivement des lance-flammes et des grenades à phosphore blanc. Ce sont des grenades hautement inflammables qui provoquent aussi de graves brûlures chimiques. Les Américains doivent s’y prendre à plusieurs reprises pour conquérir le moindre mètre carré. Kakazu Ridge, Castle Hill, Chocolate Drop Hill, Hacksaw Ridge sont autant de noms associés à des centaines de morts.

Les forces américaines sont aussi harcelées par les kamikazes. Les historiens Constance Sereni et Pierre-François Souyri ont publié un ouvrage passionnant sur ce vaste sujet en 2015 et je vous invite à le lire si cela vous intéresse. Ici, je vais être plus synthétique. Ces missions-suicides, appelées « escouades d’offensive spéciales » ou tokubetsu kōgeki-tai en japonais, se sont multipliées à partir d’octobre 1944. Des pilotes, pour la plupart inexpérimentés, jettent leurs appareils sur les vaisseaux américains en espérant les couler. Pendant la bataille d’Okinawa, dix opérations kamikazes coordonnées sont organisées, sans compter les attaques isolées. Ces attaques ne sont pas nécessairement très efficaces. On a estimé après la guerre que moins de 20% avaient causé des dommages et que moins de 2% avaient effectivement coulé des bâtiments. Néanmoins, leur impact psychologique est très élevé. Les attaques répétées des kamikazes, combinées aux bombardements, contribuent à l’essor de ce que les Américains appellent « battle fatigue ». C’est un ensemble de troubles comportementaux, comme l’insomnie, l’hébétude, le fait d’éclater en sanglots sans raison, voire d’être sujet à des hallucinations ou de faire des tentatives de suicide. Ces troubles drainent les forces américaines au même titre que les morts et les blessés.

Les Américains avancent lentement, mais ils avancent inexorablement. L’Empereur Hirohito, préoccupé, demande à la 32e armée de lancer des contre-offensives. La plus emblématique, c’est l’opération Ten-gō, début avril. Le Yamato, plus grand cuirassé du monde, est envoyé en renfort. Mais sans soutien aérien, il est coulé avant même d'atteindre Okinawa. Une autre contre-attaque, début mai, a coûté à l’armée japonaise plus de 6 000 vies, sans réussir à empêcher l’avancée américaine.

Le nord de l’île, relativement peu peuplé, passe rapidement sous le contrôle des Américains. En revanche, au sud, les combats font rage. Début mai, c’est le début de la saison des pluies. Okinawa devient un enfer de boue. Une boue rouge qui monte jusqu’aux genoux, voire jusqu’à la taille. Une boue dans laquelle s’enlisent les jeeps, les camions et les chars. Les Japonais cachés dans leurs bunkers des collines de Sugarloaf, Horseshoe ou encore Half Moon résistent avec la force du désespoir et infligent de lourdes pertes aux Américains.

E.B. Sledge, un soldat américain, décrit la scène apocalyptique à laquelle il fait face sur le site de Half Moon Hill : « C'était le coin de l'enfer le plus affreux que j'aie jamais vu. Partout, c’était la putréfaction de la mort, de la décomposition et de la destruction. Chaque cratère était à moitié rempli d'eau, et beaucoup d'entre eux contenaient un cadavre de Marine. Les corps gisaient pathétiquement comme ils avaient été tués, à moitié immergés dans la boue et l'eau, les armes rouillées encore à la main. » Un Marine, Richard Whitaker, renchérit : « Il y avait des cadavres partout. La puanteur était incroyable. Les corps étaient infestés d'asticots, et les asticots se transformaient en d'énormes et affreuses mouches vertes. Ils rampaient dans vos narines, votre bouche et vos yeux. »

À cause des conditions météorologiques déplorables, les Américains ne s’aperçoivent pas tout de suite que les Japonais ont abandonné leur quartier général de Shuri. Fin mai, l’armée japonaise ne dispose plus que de 40 000 hommes, soit un peu plus d’un tiers des effectifs qu’elle avait au début des affrontements. Le général Ushijima demande des renforts à plusieurs reprises, en vain. Il décide de se retirer plus au sud, sur la péninsule de Kiyan, pour le dernier combat.

Alors que la défaite apparaît de plus en plus inéluctable, les soldats japonais se rendent par dizaines. Le général Ushijima se suicide le 22 juin. Cette date marque la fin officielle de la bataille d’Okinawa, concluant près de trois mois d’horreur.

Avant de terminer l’épisode avec le dénouement de la Seconde Guerre mondiale dans le Pacifique, j’aimerais revenir sur un aspect fondamental de la bataille d’Okinawa : l’impact des combats sur les civils. On l’a vu au début de notre récit, l’île d’Okinawa est plus peuplée que d’autres théâtres du Pacifique : 450 000 habitants, dont la majorité se concentre au sud de l’île. Masahide Ōta, témoin de premier plan de la bataille et devenu gouverneur d’Okinawa après la guerre, résume leur situation pendant ces trois mois d’affrontement : « Pour les civils pris au piège entre les deux armées, la bataille d'Okinawa s'apparent[ait] à une "attaque de tigres à l'entrée et de loups à l'arrière". »

Les civils okinawaïens sont souvent confondus avec des soldats japonais par l’armée américaine. C’est particulièrement le cas à la fin de la bataille, quand les militaires japonais tentent de se mêler à la population pour ne pas être pris pour cibles. Les Américains, à cran et épuisés par des semaines de combat, ne font pas dans la dentelle et tirent avant de poser des questions.
Depuis le début de l’épisode, on parle beaucoup des grottes dans lesquelles sont barricadés les soldats japonais. Appelées « gama » en langue locale, elles sont aussi le refuge de civils. Les soldats américains tentent de les persuader de sortir, généralement sans succès. Alors, ils passent les souterrains au lance-flammes ou y jettent des grenades. Leurs occupants sont exterminés sans distinction.

Vous me demanderez, pourquoi les civils ne se rendent pas ? Le problème tient en un mot : la propagande. Exposés à un lavage de cerveau depuis le début de la guerre, les civils sont persuadés qu’en se rendant, ils seront soumis à la torture et au viol avant de mourir dans d’atroces souffrances.
Dans ces conditions, beaucoup préfèrent se suicider. Quelques jours avant le débarquement sur l’île d’Okinawa, les Américains arrivent dans les îles Kerama voisines pour en faire un avant-poste. Les soldats japonais sur place distribuent des grenades aux habitants, l’une à lancer sur les Américains, l’autre pour se suicider. Près de 600 civils perdent la vie. Shigeaki Kinjō, l’un des survivants du massacre, raconte : « Les parents tuaient tout bonnement leurs enfants, les maris tuaient leurs femmes et les frères tuaient leurs sœurs. Les méthodes utilisées étaient horribles. Le simple fait de les mentionner est horrifiant. Des cordes étaient utilisées pour étrangler, des lames, comme des serpes ou des rasoirs, étaient utilisées pour trancher les artères ou les poignets. Certains utilisaient un bâton pour cogner une autre personne à la tête. »

Dans un autre cas particulièrement dramatique, les familles réfugiées dans la grotte de Chibirigama, début avril, s’entretuent pour échapper aux Américains. Sur les 140 personnes abritées dans la grotte, 83 se sont tuées ou ont tué leur proches avec des couteaux, du poison, ou en mettant le feu à des couvertures pour s’asphyxier avec la fumée.

Supposés protéger les civils, les soldats japonais s’avèrent être aussi dangereux que les Américains. Ils jugent qu’ils sont prioritaires par rapport aux habitants et s’emparent de leurs maigres ressources. Ou bien ils les expulsent de leur abri, parce la caverne est jugée trop petite pour tous les accueillir. Complètement à découvert, les civils courent alors le risque d’être touchés par les tirs ennemis. Mais s’ils n’obéissent pas, ils sont taxés d’espionnage et sommairement exécutés.

Deux groupes sont particulièrement importants à mentionner lorsqu’on parle de la tragédie des civils pendant la bataille d’Okinawa. Le premier, ce sont les tekketsu kinnō-tai (en français, les « bataillons de sang et d’acier loyaux envers l’empereur »). Près de 1 800 écoliers âgés de 14 à 16 ans sont mobilisés. À peine la moitié est encore en vie à la fin des affrontements, sachant qu’il y a une grande disparité dans les différents groupes. Certains sont véritablement décimés, avec moins de 20%, voire moins de 10% de survivants.

Le deuxième est celui du corps d’infirmières Himeyuri. Il s’agit d’un escadron composé d’environ 240 femmes : 220 lycéennes, âgées de 15 à 19 ans, et leurs enseignantes. Tout juste diplômées, elles sont mobilisées pour assister l’armée japonaise et soigner les blessés. Un des hôpitaux de campagne les plus emblématiques est celui situé dans la grotte d’Abuchiragama. Cette caverne étroite, longue de 270 mètres, accueille plus de 600 blessés en même temps jusqu’à fin mai. Il y a moins de vingt personnes pour les soigner.
Une des survivantes du corps Himeyuri, Hatsue Zukeran, raconte : « Dans les conditions où on était, la moindre petite blessure pouvait nécroser très rapidement. J’étais chargée de l’amputation des bras et des jambes gangrenées. Je ne peux pas décrire la sensation que j’avais quand j’entendais le bruit du membre qui se détachait et tombait par terre. Je n’oublierai jamais ce bruit. » Une autre infirmière, Yoshiko Shimabukuro, décrit l’état de détresse des soldats blessés : « Il y avait un soldat qui criait : ‘‘Plutôt mourir que de souffrir comme ça, tuez-moi, tuez-moi !’’ Et son supérieur le sermonnait : ‘‘Tu es un soldat de l’empire japonais, oui ou non ? Arrête de te plaindre !’’ »
Pour avoir une meilleure idée des conditions de vie de ces infirmières et de leurs patients, je vous invite à explorer le panorama à 360 degrés de la grotte qui a été réalisé il y a une dizaine d’années par la ville de Nanjō. Le site est dans la description de l’épisode.

Le 18 juin 1945, seulement quelques jours avant la fin de la bataille d’Okinawa, les infirmières reçoivent l’ordre de se disperser. Elles sont livrées à elles-mêmes alors que les combats continuent de faire rage. Une semaine plus tard, près de 140 sont tuées ou se suicident par crainte d’être violées par les Américains.

Il est difficile de conclure ce récit de la bataille d’Okinawa sans évoquer la fin de la Seconde Guerre mondiale proprement dite. On l’a tous appris à l’école : les Américains ont largué deux bombes atomiques, une à Hiroshima le 6 août et une autre à Nagasaki le 9 août. Le Japon capitule sans condition le 15 août. Quand on observe cette période avec notre regard contemporain, cela paraît évident : cette décision a permis de stopper net le conflit. Pourtant, on oublie que pendant les quelques semaines entre la fin de la bataille d’Okinawa et ces fatidiques premiers jours d’août, il est toujours question d’envahir le sud de Kyūshū, à partir de novembre 1945, puis Honshū, à partir de mars 1946 : c’est l’opération Downfall.

Et on l’a vu en début d’épisode, Okinawa est la base arrière parfaite pour de telles opérations. En particulier, les bombardements deviennent plus faciles parce que l’île de Kyūshū n’est plus qu’à quelques centaines de kilomètres. Les Américains réutilisent les installations japonaises, comme la base aérienne de Kadena au nord de l’île, et en construisent de nouvelles. Dès la fin juin, Okinawa et les îles environnantes sont occupées par 245 000 Américains, avec 7 pistes d’atterrissage opérationnelles pour les avions de chasse et les bombardiers.

Mais les Américains viennent d’essuyer de lourdes pertes à Okinawa, sans parler de toutes celles qui précèdent. Ils anticipent des combats encore plus meurtriers sur l’île de Honshū, où se trouvent les principales villes japonaises. Les stratèges américains estiment alors qu’entre 250 000 et un million de soldats américains supplémentaires perdraient la vie pendant l’opération Downfall, sans parler des innombrables pertes japonaises. Finalement, le 24 juillet, il est décidé de larguer les bombes atomiques. Mi-août, elles mettent fin au conflit, après 140 000 morts à Hiroshima et 70 000 à Nagasaki.

La bataille d’Okinawa est rarement l’événement auquel on pense quand on étudie la Seconde Guerre mondiale. En effet, de nombreux événements majeurs ont eu lieu en parallèle : la fin de la guerre en Europe, le suicide d’Hitler, la bombe atomique. Pourtant, la bataille d’Okinawa reste la dernière grande bataille de la guerre du Pacifique. En 82 jours, elle aura causé 15 000 morts côté américain et 100 000 morts côté japonais, selon les évaluations des historiens. On estime que les pertes civiles s’élèvent, elles, à 120 000 morts, soit un quart de la population de l’île. On est habitués à des bilans humains très lourds quand on parle de la Seconde Guerre mondiale, tellement lourds que ces chiffres dépassent notre compréhension et ne veulent plus dire grand-chose. Si on additionne ces pertes, toutes nationalités confondues, c’est comme si une ville de la taille de Rennes était rayée de la carte en seulement trois mois.

La bataille d’Okinawa s’est achevée il y a bientôt 80 ans. Pourtant, elle continue de faire parler d’elle. Notamment parce que les bases militaires américaines, conçues pour envahir l’île de Honshū à l’été 1945, font toujours partie du paysage aujourd’hui. Mais aussi pour des questions mémorielles : il y a régulièrement des controverses sur la façon dont le conflit est enseigné. C’est ce que nous verrons dans le prochain épisode.

Merci d’avoir suivi ce nouvel épisode de « Fascinant Okinawa ». J’espère qu’il n’était pas trop dur à écouter et qu’il vous aura intéressés.

Pour terminer, je voudrais revenir sur un point important. Comme vous pouvez le constater, je réalise ce podcast en français, donc j’imagine que la plupart des auditeurs et des auditrices viendront de France ou d’autres pays francophones. Mon objectif, avec « Fascinant Okinawa », n’est pas de vous inciter à vous rendre sur place. En effet, la crise climatique que nous traversons s’aggrave, comme nous pouvons le voir avec les catastrophes naturelles qui se multiplient. L’un des gestes susceptibles de peser le plus dans notre empreinte carbone individuelle, c’est de prendre l’avion. Or, un aller-retour vers Okinawa depuis la France, ça représente 2,7 tonnes de CO2, soit plus que les 2 tonnes par personne et par an que l’on doit viser pour respecter l’accord de Paris sur le climat. Okinawa souffre aussi déjà de la sur-fréquentation touristique, qui impacte la population locale et l’environnement. Mon objectif avec ce podcast est de vous faire voyager depuis votre canapé, ou votre cuisine si vous êtes en train de faire la vaisselle, sans compromettre l’avenir de la planète ni la vie quotidienne des Okinawaïens.

Le mot de la fin : « Fascinant Okinawa » est un jeune podcast indépendant qui a débuté il y a seulement quelques mois. Il a besoin de votre soutien ! Abonnez-vous, partagez cet épisode, parlez-en à vos ami-es qui aiment le Japon, l’histoire et la culture japonaises. Vous pouvez le retrouver sur vos plateformes de podcast habituelles. Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à consulter les sources dans la description de l’épisode. Enfin, je vous invite à suivre le compte Instagram du podcast, @fascinant.okinawa. J’y publie de façon régulière du contenu complémentaire sur Okinawa, en particulier des cartes et des informations sur mes sources. Je serai ravi d’échanger avec vous et répondre à vos questions par ce biais.

En attendant, je vous dis à dans un mois pour le prochain épisode ! Salut !

Description de l’épisode

Aujourd’hui, nous nous intéressons à la bataille d’Okinawa. Il s’agit d’un des événements de l’histoire contemporaine qui a le plus marqué Okinawa, pour ne pas dire traumatisé. Entre avril et juin 1945, la bataille aura causé 15 000 morts côté américain et 100 000 morts côté japonais. On estime que les pertes civiles, elles, s’élèvent à 120 000 morts, soit un quart de la population de l’île.

Cet épisode est en deux parties. La première, que vous écoutez aujourd’hui, est consacrée au déroulé de la bataille proprement dite. Dans la deuxième partie, qui sortira le mois prochain, on s’intéressera aux problématiques mémorielles autour de cette bataille.

Connaissez-vous Okinawa ? Cette région au sud du Japon est surtout réputée pour ses plages paradisiaques et le fameux « régime d’Okinawa », supposé faire des miracles pour allonger l’espérance de vie. Dans « Fascinant Okinawa », je vous emmène au-delà de ces clichés. Venez découvrir l’histoire et la culture de ce territoire à la croisée des influences japonaises, chinoises et américaines.
Écriture et réalisation : Clément Dupuis
Merci à Aloÿs Bardon pour l’enregistrement des témoignages !
Musique : Keisuke Ito
Habillage sonore : des extraits de “Tu ne tueras point” (“Hacksaw Ridge” en VO) de Mel Gibson, un film de guerre sorti en 2016 et basé sur l’histoire vraie du caporal Desmond T. Doss ; des bruits de grotte pour vous plonger dans l’ambiance des gama (Pixabay Sound Effects).
Vignette : Clément Dupuis, sur la base d’illustrations des sites https://illust.okinawa et https://www.irasutoya.com
Retrouvez également « Fascinant Okinawa » sur Instagram : @fascinant.okinawa

Sources

Centre préfectoral d’éducation d’Okinawa. 「沖縄戦」 (La bataille d’Okinawa). Disponible en ligne (en japonais) : http://rca.open.ed.jp/history/story/hisindex4.html

George H. Kerr. Okinawa: the History of an Island People. Tuttle Publishing, 1958. (En particulier, le chapitre 11 : “Between Hammer and Anvil: Okinawa and the Coming of World War II”).

Laura Hein et Mark Selden. Islands of Discontent: Okinawan Responses to Japanese & American Power. Lanham, Maryland: Rowman & Littlefield Publishers, Inc (collection Asia Pacific perspectives), 2003.

「強制死の史実刻むチビチリガマ 87年には「平和の像」破壊も」 (La grotte de Chibichiri-gama, lieu de mémoire des morts forcées – la « tour de la paix » détruite en 1987). Ryūkyū Shimpō, 13 septembre 2013. Disponible en ligne (en japonais) : https://ryukyushimpo.jp/news/entry-574251.html

「【生々しい実体験】「次の世代に伝えたい」ひめゆりの生き残り」 (Les survivantes des Himeyuri : « Je veux transmettre mon expérience terrible aux futures générations »). NTV News, 1er janvier 2022. Disponible en ligne (vidéo en japonais) : https://www.youtube.com/watch?v=lTFF7SpZK5s

« Nous avons tous été arrêtés, accusés d’espionnage – Mon père a été accusé d’espionnage et assassiné par des soldats japonais. Témoignage de Masako Nakamoto ». Okinawa Prefectural Peace Memorial Museum. Disponible en ligne : http://peace-museum.okinawa.jp/evidence/french/nous-avons-tous-ete-arretes-accuses-despionnage-mon-pere-a-ete-accuse-despionnage-et-assassine-par-des-soldats-japonais/

「語り残す―戦争の記憶― 激戦を生き抜いたひめゆり学徒隊員」 (Raconter les souvenirs de la guerre pour ne pas oublier – les survivantes de l’escadron Himeyuri). Kyodo News, 5 août 2015. Disponible en ligne (vidéo en japonais) : https://www.youtube.com/watch?v=EUAeZWXtVJg

« Survivre au suicide de masse. Témoignage de Shigeaki Kinjō ». Okinawa Prefectural Peace Memorial Museum. Disponible en ligne : http://peace-museum.okinawa.jp/evidence/french/survivre-au-suicide-de-masse/

« Understanding Himeyuri ». Himeyuri Peace Museum, 2006. Disponible en ligne (archive) : https://web.archive.org/web/20211023055106/https://www.himeyuri.or.jp/EN/himeyuri.html

Joseph Wheelan. Bloody Okinawa: The last great battle of World War II. Hachette Books, 2020.

Reconstitution de la grotte d’Abuchiragama, Panorama 360° https://abuchiragama.com/en/

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